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l’île des femmes

saient par groupe et retournaient au combat. Les vélites de la seconde ligne couraient à elles et c’étaient ainsi de petits combats acharnés comme le grand. La ligne de réserve achevait ce qui subsistait devant elle, car les « lœenas » se faisaient toutes tuer, combattant jusqu’au dernier souffle, même blessées et saignantes. Lorsqu’on leur criait de se rendre, elles se précipitaient, furibondes, le glaive à la main, pour tuer un dernier homme avant de mourir.

Celles qui étaient à terre encore vivantes fermaient avec les doigts les lèvres de leurs blessures, hurlant un chant de guerre, entrecoupé de hoquets. Les mortes avaient presque toute la face tournée vers le ciel et leur sang épandu les couvrait comme des lambeaux de linceuls rouges.

Dans ces odeurs de femmes, au milieu des combattantes aux casaques pourpres, jeunes, drues et agressives comme abeilles guerrières, le fougueux lieutenant Tamarix sentait sa jubilation de la victoire traversée par des désirs filants, si aigus, qu’ils brûlaient au passage quelques-unes de ses fibres. Ces hardies femmes de neige et de feu tombant autour de lui avec des pleurs de sang, comme les eût aimées l’inflammable Marseillais en des circonstances meilleures ! Parmi cette multitude féminine, Tamarix était pareil à un enfant dans une prairie constellée de fleurs. Il n’aurait su laquelle cueillir ! Mais les hommes aux puissantes encolures, les hommes aux biceps redoutables, irré-