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l’île des femmes

minute de notre amour me semble épuiser toute une éternité de temps. Chante, veux-tu, chante-moi une belle chanson d’amour de ton pays. Elles sauront, les maudites Vénusiennes, que ce bûcher qu’elles préparent ne trouble pas notre félicité.

— Je veux bien, fit Dyonis, mais il faudrait un instrument quelconque pour m’accompagner.

— Dyonis, tu vas l’avoir, fit Lydé.

Elle parla, à travers les barreaux, à l’une des sentinelles. Celle-ci héla une amazone du poste. Il y eut un conciliabule. Quelques instants après on passait à Lydé un fin luth tétracorde.

Dyonis commença par une romance de Lulli, puis il continua avec du Rameau et du Grétry. Sa belle voix d’or pénétrait l’âme de Lydé comme une caresse douce et forte. Les amazones affluaient sur la butte par tous les sentiers et chemins y conduisant. Bientôt la cage fut complètement entourée de jeunes Vénusiennes couvertes de leurs légers voiles féminins. Dyonis chantait et les guerrières formaient autour de la cage un chœur de statues en extase. Lorsque la voix du chevalier se fut éteinte sur un « diminuendo amoroso », parlant à voix basse, Lydé lui dit :

— Accompagne l’air que je fredonnais ce matin à ton oreille. Je vais chanter aussi.

Mélodie sans paroles, à bouche fermée, suivant les modulations langoureuses, passionnées par un délire musical ineffablement rythmé. La pure voix de la petite decuria entraînait irrésistiblement celle