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l’île des femmes

zones qui fumaient des « cigarillas », buvaient du vin mousseux en de larges coupes et surexcitaient par des paroles excessives leur belliqueuse gaîté. Un orchestre fit cesser les rires et le tintement des verres. Dans l’immense salle, les amazones échevelées, presque nues sous leurs tuniques aériennes, dansaient une sorte de péan vertigineux, les unes jonglant avec leurs armes, d’autres accompagnant leurs évolutions saltantes d’une voltige extrêmement adextre de boucliers étincelants.

Si le Père Loumaigne avait éteint en lui toute concupiscence, du moins restait-il extrêmement sensible aux beautés sculpturales. La plastique de ces corps de jeunes femmes, diversifiée et rythmée par la danse, cette animatrice suprême des formes, l’éblouissait d’admiration. Et quelle nuit embaumée, sous le ciel maintenant lavé, liquide et chargé d’étoiles comme une treille féconde de ses lourdes grappes de fruits ! Ah ! Comment ne pas croire aux ravissements du paradis lorsqu’il était permis d’en goûter de tels sur terre ! Pourtant, ce qu’il y avait d’excessif, de frénétique dans l’exubérance des Vénusiennes mettait l’esprit du Père en travail. Il pensait qu’à la veille d’événements extraordinaires, la créature humaine se délie de bien des chaînes et surhumanise ses vices comme ses vertus.

Depuis un moment, le Jésuite prêtait l’oreille. Il croyait entendre au lointain de la route des airs de flûtes et de tambourins, rythmés comme pour