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l’île des femmes

chaudes émanations de la terre et de l’humus s’accusaient. Au fur et à mesure de la descente, l’air devenait plus doux, plus velouté. On entendait, en bas, un hourvari d’eaux tumultueuses.

Le bon Père avait les jambes brisées lorsque l’interminable descente fut achevée. Heureusement, l’amazone l’entraînait maintenant sur le sol très doux du chemin côtoyant un cours d’eau torrentueux. Après la traversée d’un pont, ce fut une roseraie où l’odorat s’abreuvait de toutes les délices de la plus délicate parfumerie florale. Ensuite, d’autres parterres de fleurs teintes de nuit ; enfin une allée de cyprès sévères débouchant dans un vallon peuplé de villas bruyantes et électriquement illuminées. On y riait, on y chantait avec une frénésie extraordinaire. L’amazone s’arrêta devant l’une de ces villas. Après avoir fait blottir le Père dans un massif de lauriers-tins, elle gravit trois marches d’escalier et disparut.

Des femmes chantaient et riaient peut-être plus intempestivement encore qu’ailleurs, dans cette villa d’en face qui versait, par ses larges baies ouvertes, un flot de lumière sur les arbustes et le gazon. Le massif du Père se trouvait dans un pan d’ombre. Une large route et le vallonnement d’une pelouse le séparaient de la villa. Aiguillonné par la curiosité, il se décida, après un moment d’attente passive, à se hisser sur les premiers degrés d’un socle portant une antilope de bronze. Il put voir alors, par l’oblique d’une baie, une réunion d’ama-