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l’île des femmes

Il était au seuil de l’oratoire de la Vénus victorieuse. La déesse attendait, assise sur un trône, en haut de gradins couverts de tapis fabuleusement historiés. D’un premier regard, le Père aperçut la majesté inaccessible de la souveraine, la Grande-Prêtresse à ses pieds, et, couchées au bas des gradins, des femmes noires, jeunes, sculptées dans du bronze humain, et qui, félines, jouaient avec de petits serpents ocellés. La Vénus lumineuse de beauté, ces aphrodites de la nuit, les mosaïques du pavé, les vitraux bleus et rouges bordurés de platine, les caissons du plafond où était peinte une mythologie inconnue, tout cela était dans le regard du Jésuite comme l’encens léger et pur des cassolettes dans sa respiration. Instantanément, avant qu’il eût commencé sa génuflexion, le Père saisit une image plus précise de la déesse, de sa beauté d’impéria, cruelle à force d’être excessive et dominatrice jusque dans les artères et les veines de celui qui en affrontait l’étrange fascination.

C’est d’une voix tremblante, incroyablement émue, que le Père dit, presque en même temps qu’il captait ces visions extraordinaires :

— Je mets aux pieds de Votre Majesté l’humble respect d’un homme des pays lointains.

La Déesse ouvrit lentement ses lèvres carminées :

— Relevez-vous, dit-elle, d’une voix dorée et chantante.

Le Père obéit. Son franc regard osa se porter