Page:Raymond Clauzel L'Ile des femmes 1922.djvu/214

Cette page n’a pas encore été corrigée
204
l’île des femmes

à l’état dans lequel se trouvaient nos connaissances il y a cinq ou six siècles.

— Je comprends, fit le Père Loumaigne, je comprends, le progrès n’avance dans nos pays qu’à travers un maquis inextricable de circonstances contraires ou difficiles.

— Ensuite, reprit le recteur, chez nous, la morale, l’état des mœurs sont fixes ; seule évolue la connaissance. Je crois que le contraire se produit chez vous. L’instabilité spirituelle, morale et matérielle de vos civilisations se manifeste au détriment des conquêtes positives de l’esprit. Si vous aviez réalisé nos progrès d’ailleurs, vous en seriez les esclaves, j’allais dire les victimes !…

— Hélas ! soupira le Père Jésuite en levant les bras au ciel, hélas ! l’esprit du mal est terrible dans ce monde où Dieu cependant a révélé sa parole et sa volonté. Mais dites-moi, de quel prix ne payez-vous pas vos magnifiques acquisitions scientifiques ! Votre société me paraît régie contre les lois de la nature, contre les tendances sociales, et certainement pas selon la volonté divine.

Le recteur répondit avec force :

— Toute société est un abri, un refuge contre la nature monstrueuse, hostile à l’homme, marâtre pour l’espèce. Il n’est pas nécessaire d’obéir aveuglément à ses lois. La destinée humaine n’est supérieure, surbestiale, qu’autant qu’elle s’affranchit de la nécessité. Un état social digne de l’homme doit être une création de son intelligence, ou de sa