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l’île des femmes

dit la jeune personne venue à notre bord en pleine bataille. Il n’en a rien été. Après une nuitée verrouillée dans un corps de garde, on nous conduisit dans ce paradis terrestre où, depuis, nous nous trouvons si fournis de tout, si librement paresseux, qu’il n’est pas, en Turquie, de pachas plus heureux que nous le sommes, sauf pour les femmes, bien entendu, puisqu’il est défendu d’y toucher ici. Mais cela ne me prive pas, mon Père. Je n’en dirai pas autant, ajouta-t-il en gloussant de rire, de maître Pintarède. Mais passons à une autre chanson.

Le savant cessa de pointer vers le nez le bout frétillant de sa langue.

— Demandez-lui plutôt, dit-il en désignant Le Buric, demandez-lui s’il croit toujours au diable ?

— Non, certes, répliqua le capitaine. Celui qui m’aurait dit, au surplus, que je pourrais atterrir avec plaisir et contentement dans une terre gouvernée par des femmes, m’aurait fait sauter d’indignation comme un baril de poudre. Et pourtant, il est vrai que je me plais sur ces bords ! Il faut dire que les choses y sont ainsi arrangées, qu’un homme insociable comme je le suis, y trouve soulas et paix. Pensez donc, Père Loumaigne, les femmes y sont défendues ! Elles ne vous parlent qu’à distance respectueuse. Alors, moi qui n’ai rien à leur demander, rien à leur dire, je suis parfaitement tranquille. En aucun lieu de la terre, je me trouverai moins gêné qu’ici par l’engeance féminine.