Page:Raymond Clauzel L'Ile des femmes 1922.djvu/205

Cette page n’a pas encore été corrigée
195
l’île des femmes

épaules et prenant bien son aplomb, le Père Loumaigne se tint immobile, la gerbe fine et annelée de sa barbe tombant d’un jet sur sa large poitrine. Lycisca admirait ce noble visage, rosé de sang, si vigoureusement jeune, en sa maturité, avec son front ferme et uni, son nez court, ses yeux fauves, couverts de sourcils épais, et sa bouche saine, rendue si belle par un constant sourire spirituel. Lycisca tressaillait, en sa contemplation naïve, d’un amour craintif, mystique, sillonné d’émois et d’inquiétudes.

Les pas dans le sentier devenaient distincts. Deux hommes parlaient fort. Lycisca vit que la barbe du Père frémissait et que ses lèvres remuaient sans prononcer les paroles qu’elles formulaient. Elle-même, d’ailleurs, devint fort surprise, car les mots des arrivants qu’elle saisissait lui étaient inconnus.

— Quelle est cette langue ? interrogea-t-elle. Je ne comprends rien.

— Le provençal ! La langue de mon pays !… s’écria le Père Loumaigne avec enthousiasme. Sans tarder ils s’élança dans la direction d’où provenaient les voix.

Peu après, Lycisca, demeurée près des roches, vit apparaître deux hommes enveloppés dans des himations de laine brune : l’un grand, maigre de figure, avec des lunettes d’or ; l’autre courtaud, trapu et qui fumait la pipe. Ces inconnus et le Père coururent l’un vers l’autre, les bras tendus pour