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l’île des femmes

des roches ornementées de lierre, toute son âme se recueillait. Pieuses matines d’un chrétien viril : l’élan de sa ferveur attirait en sa prière toute la force d’âme de cet homme religieux et militant. Sans penser à son dessein, sans exciter sa volonté, il sentait sa décision à l’action prochaine, comme un état de grâce. Il pouvait passer immédiatement de ce moment d’attente et de recueillement à la réalisation de ses devoirs. Il était prêt avec une sereine et puissante énergie.

Lycisca sortit, coiffée, son grand manteau sur un bras.

— Avez-vous bien dormi, mon enfant ? demanda le Révérend Père.

— Comme les anges dont vous me parliez hier soir.

La jeune amazone donnait au Jésuite un long regard ingénu et confiant.

Le P. Loumaigne rendait à ce regard, sans ciller ni biaiser, le rayonnement du sien, qui retournait vers son âme, aussi pur qu’il en était parti. Et ce regard, dans lequel il y avait tant d’amour, d’amour sans concupiscence, fit souffrir furtivement la femme en Lycisca, sans qu’elle sût pourquoi.

— Vous êtes sûre, demanda encore le Père, bien sûre, que je ne vous aurai point exposée à quelque cruelle épreuve en vous laissant m’accompagner ?

— Qu’importe, puisque je suis avec vous !

Riant avec franchise, le Père répliqua :