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l’île des femmes

Elle s’obstinait à perdre dans l’aurore dorée les regards venus, semblait-il, du plus profond et du plus clair d’elle-même.

Ils croisèrent un troupeau d’hommes aux nudités couleur de brique, conduits par des gardiennes mûres, armées de fouets courts à longues lanières et de piques semblables aux aiguillons des bouviers. Un caleçon de cuir couvrait ces esclaves crépus, du nombril aux genoux. Ils étaient noueux, larges, trapus. Leur vigueur physique et la brutalité de la physionomie paraissaient une excroissance monstrueuse de la bête humaine. Dyonis observait, pour son cahier de notes, les gros yeux globuleux, les épaules lourdes et puissantes de ces brutes calcinées.

Plebeana ! la vile plèbe, dit Lydé à mi-voix. On conduit ces hommes aux carrières. Ce sont les plus bas esclaves de l’île, avec les mineurs.

La troupe tourna ensuite dans une rue bruyante du tapage des métiers. Cette activité cessa de proche en proche. Les artisans du bois, menuisiers, charrons, tonneliers, se pressaient tous sur le pas des ateliers, attirés par le bruit des chevaux et les exclamations insolites des femmes. Robustes eux aussi, mais affinés, intelligents, ces hommes paraissaient empreints d’une résignation douce, silencieuse, lointaine. Dyonis ne put discerner dans leurs regards à peine curieux, le moindre reflet de ce mépris que leurs femmes témoignaient avec beaucoup d’agitation et de gestes. Pourtant, ces