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l’île des femmes

L’ombre des arbres rendait ce passage du fleuve presque obscur. L’atterrissage eut lieu sous une retombée de branches et de lianes, au milieu des feuilles en scie des phormiums. C’était déjà la forêt des Cynocéphales.

Lorsque la décurie eut fait une centaine de pas sous le couvert, Lydé accrocha un manteau au tronc d’un cycas, et ainsi de suite, de cent pas en cent pas, pour jalonner le chemin du retour. Plus loin, les casques furent disposés en tas. Enfin, de l’autre côté d’un ruisseau dont on ne retrouva le gué qu’avec peine, des fleurs coupées aux arbustes firent office des cailloux blancs du petit Poucet.

Glaive en main, la tête serrée dans un bonnet de laine brune, la troupe longea le ruisseau qui devenait un torrent, tant la côte, escarpée de rochers et d’arbres de plus en plus rares, était abrupte. De l’humus feutré, montaient des exhalaisons chaudes et poivrées. Souvent, les pas trébuchaient dans les racines et se prenaient aux pièges des plantes rampantes. Lorsqu’on heurtait un faisceau mouvant de lianes, une pluie légère et ralentie de pétales tombait. Toujours en avant, soucieuse et diligente, Lydé guidait la marche. Parfois, se retournant, elle distinguait, parmi les ombres de ses amazones, la belle silhouette de Dyonis. Alors, de son cœur, comme de la veine d’un rocher, bouillonnait une source limpide, tout irisée d’amour.

Les arbres s’éclaircissent. Une rude montée est gravie. La forêt oblique à dextre, profilant sa li-