Page:Raymond Clauzel L'Ile des femmes 1922.djvu/179

Cette page n’a pas encore été corrigée
169
l’île des femmes

— Ce que nous constatons prouve au moins, fit le P. Loumaigne, que l’on peut construire un état social arbitraire, tiré seulement de l’intelligence ou de l’imagination, mais jamais sans violenter l’homme en sa nature et en sa destinée. Pour si merveilleuse, à certains égards, qu’elle soit, c’est une horrible civilisation que celle de l’Île des Femmes. Elle meurtrit, elle brime l’humanité dans l’espèce ; elle viole aussi la volonté éternelle de Dieu. Voyez-vous, l’homme est implanté dans la nature des choses ; il croit en sa destinée comme un arbre qui serait intelligent et qui saurait discerner, dans l’ordre spirituel, les directions divines.

— Et que ferait-on à une amazone qui aurait un enfant ? osa demander Tamarix.

Le P. Loumaigne, tout en pelant une orange, dit froidement :

— Vous le savez, toute amazone qui a perdu sa virginité est brûlée vive !

Tamarix crut avaler de la cendre et Dyonis sentit passer au travers de sa joie une horrible frayeur.

Le Jésuite se leva ; le repas était fini.

— Mes enfants, dit-il, je vous demande la permission, en attendant l’heure du départ, de me retirer dans ma chambre pour prier. Au revoir ; à bientôt. Et vous, chevalier, soyez prudent, ne vous aventurez pas plus qu’il ne faut en cette expédition. Songez à Monsieur votre père, à votre mère, à vos frères…