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l’île des femmes

temps. Cette même force peut-être qui fait éclater les fleurs au bout des pédoncules, soulève les deux amants vierges au-dessus de toute crainte et leur premier baiser, rapide et furtif, les traverse, l’un et l’autre, comme un éclair de vie divine.

Des voix d’hommes, rudes et bestiales, quelque part au fond des magasins.

D’un élan bondissant et léger, Lydé sort de l’embrasure. Elle est tout empourprée ; une pointe de lumière scintille dans ses yeux de violette.

— Viens, dit-elle.

Elle précède le jeune homme. Dans son cœur stérilisé d’amazone, elle sent comme une hostie humaine accomplissant son miracle. Cet amour, qui réveille en elle une inconnue frémissante et radieuse, la délivre de sa froide et cruelle virginité de femme-soldat, comme d’une étroite cuirasse. Elle éprouve en même temps une crainte vague et un enthousiasme libérateur. Puis, un long frisson de tout son être la fait se retourner vers le chevalier et le prendre dans un de ces regards de possession qui rendent souveraine la femme et l’homme triomphant.

— Dyonis ! Dyonis ! Dyonis !

Une autre voix, une voix baignée de tendresse, module en douceur cet appel venu du plus profond de la créature. Trois fois aussi, le chevalier répète le nom de Lydé. Alors, ils rient leurs pensées heureuses, nulle parole ne pouvant dépasser ce