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l’île des femmes

Paupières baissées, Lydé se replia en ses pensées secrètes.

Dans la perspective droite du canal qui longeait les bambous, un esquif léger, au loin, avançait en vitesse.

— Néera ! fit Lalagé d’une voix contrariée.

Lydé sursauta, hésita une seconde, puis, manœuvrant les rames avec une agile vigueur, commanda :

— Nous prenons le canal d’Artémis.

L’embarcation vira, et, légère, glissante, avança dans l’un des chemins d’eau des merveilleux parterres. Aux miroirs azurescents des canaux, toute une féérie de colorations diluées et de formes reflétées : palmes, cycas, cocos, fougères à hautes tiges, et la multitude florale broyant ses couleurs vives et mêlant ses parfums à l’exhalaison des eaux douces et à l’or épuré du soleil. Délicieuse Venise végétale qui soulevait d’admiration les deux Marseillais, émus à la fois par la femme et par cet inimaginable Éden, peuplé, entre les feuillages, de déesses de marbre, armées, voilées, nues, immobiles ou dansant comme des bacchantes. La barque passait sous des arceaux de lianes : vanda suavis, grenadilles, calladium bigarrés, bignonias aux trompettes de cuivre, orchidées bizarres, d’un blanc, d’un bleu ou d’un incarnat célestes. Une fraîcheur extraordinaire dans les feuillages et toutes les corolles, vives, ardentes ou veloutées.

— Mais, pour qui ce Paradis a-t-il été fait ? de-