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l’île des femmes

quérir le droit d’aimer que nous nous battons. La femme ne peut être soldat qu’en restant vierge. Cette nécessité n’existe pas pour l’homme. Rien que cela suffit à prouver que nous vivons à rebours. Appartenir à un seul homme et le posséder, avoir des enfants bien à soi, une maison, comme ce doit être beau et bon !

— Dans cette France lointaine d’où viennent nos amis et qu’ils aiment tant, c’est ainsi que les femmes sont heureuses ou malheureuses. Dyonis me parlait avec une douceur si profonde de son père, de sa mère, de ses sept frères !

— Et Tamarix, de sa mère veuve et de ses trois sœurs. Quand ils prononcent ce mot : Famille, leur voix change, il semble que tout leur esprit soudain tombe dans leur cœur.

— Et nous ne savons pas, nous, ce que c’est que la famille !

— Non ; pourtant, je n’en doute plus, c’est ce que nos cœurs désirent obscurément, profondément.

Elles arrivaient à l’embarcadère, un joli quai de marbre rose, avec toute l’étendue des fleurs mirée dans l’eau plane des canaux. Au loin, un rideau de hautes fougères arborescentes et de partout des fûts de marbre blanc, des statues polychromes de déesses, de guerrières, de femmes éphèbes.

— Les voilà ! les voilà !

Lydé rougit, Lalagé retira vivement la chaîne de l’embarcation.