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l’île des femmes

demeurait accroché à une multitude de points d’interrogation. Mais, en dépit de toutes les énigmes qui le sollicitaient, il se demandait seulement ceci :

« Devant quelle humanité me trouvé-je ? Quelle est sa religion ? Pourrai-je faire entrer ces femmes dans la maison du Christ ? »

Le P. Loumaigne se souvenait de ses vingt années de mission en Chine. L’apostolat demeurait sa vocation. Il savait comment on fait chrétiennes les âmes les plus éloignées de la Croix. Déjà, le convertisseur militant se réveillait en lui. La catholicité a le monde pour patrie. Où qu’il se trouve, le soldat de Jésus ne saurait rester au repos. Le Jésuite pensait à l’infatigable saint Paul. À dix huit siècles de distance, ne lui était-il point donné, à lui aussi, d’enseigner les gentils ? car l’île était certainement païenne. Les statues mythologiques de la Cité de Vénus l’attestaient suffisamment.

S’étant ainsi voué à la mission sacrée qui lui incombait, le Père Jésuite réveilla l’homme extérieur qui réapparut aussitôt avec ses yeux vivants, son front serein, sa calme dignité. Ainsi le Père aperçut de nouveau les captives, muettes et drapées sous les longs plis de leurs manteaux amarante et, presque à ses pieds, avec un regard d’admiration craintive, la Vénusienne qu’il faillit broyer dans ses bras, lorsque, dans l’île des Lauriers-roses, il s’échappa de la machine infernale.

— Comment te nommes-tu, mon enfant ? demanda-t-il.