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images puisées dans la nature n’ont d’ailleurs rien de déterminé, laisse à l’auditeur la faculté d’y répandre tout le beau idéal que son imagination lui fournit ; et, fortement ébranlé par le tableau qu’il vient d’achever, il admire sans s’en douter son propre ouvrage, et loue dans la poësie le produit de sa propre sensibilité.

Il n’en est pas ainsi des tableaux du peintre. Celui-ci ne parle à l’imagination que par l’entremise directe et actuelle des sens, et met ainsi des bornes à son activité. Il détermine les formes, les détails et l’ensemble de son objet et laisse peu de carrière au spectateur pour en étendre la composition. L’œil y chercherait vainement les beautés que le peintre n’y a pas mises : les objets sont jugés d’après ce qu’ils sont, et le tableau paraîtra mauvais, précisément en proportion de la sensibilité du spectateur, lorsque cette sensibilité ne sera pas satisfaite. Et comment le serait-elle ? le peintre avait-il dans son ame tous les sentimens de la nature ? pouvait-il espérer de rendre le modèle dont