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dernière gorgée est-elle avalée qu’une exquise chaleur me pénètre ; j’éprouve un sentiment de bien-être inouï ; je voudrais rire et parler, ne fût-ce que pour demander une seconde tasse. Mais voilà que je ne le puis pas ; une roue multicolore se met à tourner devant mes yeux et je n’ai que le temps de me jeter sur mon lit de camp, pour m’endormir aussitôt.

Non, je ne crains pas la nuit dans le cimetière. Ce que j’appréhende, c’est l’ennui, et c’est ce qui m’a conduit à tenir mon journal, ou plutôt à noter mes impressions, car ce n’est pas, à proprement parler, un journal, puisqu’il ne porte ni jour ni date.


C’est de ce cahier que j’extrais tous les passages relatifs à mon effrayante aventure, monsieur le Juge d’instruction. Je n’ai pas voulu vous astreindre à lire les poétiques descriptions de tombes encapuchonnées de neige, ni mes idées sur Grieg Wagner, ni mes préférences littéraires, ni mes élucubrations philosophiques sur la peur et la solitude.


Ossip et Velitcho me gâtent ! Que d’admirables menus !

Dire que l’autre jour, comme je n’avais pas montré le même appétit qu’aux autres repas, ils marquèrent une inquiétude presque ridicule.

Velitcho a reproché à son compagnon de n’avoir pas soigné le repas comme toujours, dans des termes d’une violence exagérée.

Depuis, Ossip ne fait que me consulter sur mes goûts et mes préférences. Ah ! les braves gens.

À ce régime, je devrais grossir comme une caille. Il n’en est rien. C’est curieux, par moments, je me trouve même une mine extrêmement souffreteuse.