Page:Ravelet, Les petites écoles et le vénérable de La Salle au XVIIe siècle à Paris - 1872.pdf/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

firent opérer une saisie sur les écoles gratuites et traduisirent le Vénérable devant le grand-chantre de Notre-Dame. Le Vénérable, qui détestait les procès, ne se présenta point. Il fut condamné, et ses écoles allaient être définitivement fermées. On lui montra alors qu’il n’avait pas seulement ses intérêts à défendre, mais celui des pauvres, que la cupidité des maîtres allait triompher, et que l’œuvre qu’il poursuivait depuis tant d’années serait compromise ; et il se décida à faire valoir ses raisons. Toutefois, comptant peu sur la justice des hommes si elle n’est éclairée par les lumières de Dieu, il fit d’abord avec les frères un pèlerinage à Notre-Dame des Vertus près de Paris, pour implorer son assistance. Puis il interjeta appel de la sentence rendue contre lui ; il exposa qu’il ne causait aux maîtres aucun dommage appréciable, que les enfants qui venaient dans ses écoles n’iraient point dans les leurs, et qu’ainsi son œuvre servait la religion et profitait au public sans nuire à personne ; ces arguments remportèrent, la décision fut réformée et les écoles purent se rouvrir librement.

Mais la jalousie ne tarda point à renaître. Elle se manifesta de nouveau en 1699, mais sans aboutir à d’autres résultats.

Jusqu’en 1702, le vénérable de la Salle avait eu à se défendre de la jalousie des maîtres d’école, et il en avait toujours triomphé. Deux ou trois fois, il avait été traduit devant le grand-chantre et il était sorti victorieux des poursuites. Que pouvait-on lui reprocher ? Au point de vue légal, ses écoles étaient inattaquables. S’il n’avait pas demandé pour les établir l’autorisation du grand-chantre, il avait eu celle du curé ; et n’avait rien fondé que d’après ses ordres. Or le droit des curés de fonder des écoles de charité venait d’être reconnu par le Parlement, par l’archevêque, par le grand-chantre lui-même qui avait renoncé à ses priviléges en leur faveur. Si l’on reprochait à M. de la Salle d’attirer trop d’enfants à ses classes, il pouvait répondre que ces enfants presque tous pauvres ne fussent pas allés ailleurs ; et ses adversaires en étaient réduits à prouver d’une façon très-contestable que, dans les centaines d’enfants qui fréquentaient les écoles, s’en trouvaient quelques-uns de condition plus aisée qui eussent pu payer une rétribution scolaire. Mais ces allégations, portant sur des cas exceptionnels appuyés de preuves douteuses, ne faisaient pas une grande impression sur le juge ; car, jusqu’en 1704, le vénérable de la Salle ne parait pas avoir été condamné.