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pouvait lui faire concurrence, et âpre à la poursuite du téméraire qui osait porter atteinte à ses droits.

Les maîtres plaidaient rarement eux-mêmes. Ils n’en avaient ni le temps ni les moyens. Mais la communauté prenait fait et cause pour eux. Il y avait un syndic qui tenait à justifier l’utilité de sa fonction, des anciens, gardiens vigilants du privilège de la corporation, une bourse commune à laquelle il fallait bien trouver un emploi. On entamait un procès et on le suivait de juridiction en juridiction avec la lenteur solennelle de la procédure et la patience imperturbable de ce temps-là. Il durait un demi-siècle, quelquefois un siècle entier.

Le tribunal du premier degré était celui du grand-chantre. Il jugeait en premier ressort les différends qui s’élevaient entre les maîtres d’école, et les conflits qu’ils avaient avec des rivaux violateurs de leurs priviléges. On ne pouvait appeler de ses décisions que devant le Parlement.

Entre les maîtres d’école, le grand-chantre tenait la balance égale, et sa juridiction était fort appréciée ; mais entre eux et d’autres il était disposé à favoriser les premiers. C’était lui qui les instituait, qui les dirigeait ; naturellement, il se considérait comme leur protecteur et les préférait à des étrangers qui, voulant enseigner en dehors de lui et sans sa permission, étaient presque des rebelles.

Les enfants pauvres étaient nombreux sur la paroisse Saint-Sulpice. Lors du recensement fait en 1651 par les soins de l’assemblée de charité, on avait constaté l’existence de 866 familles de pauvres honteux représentant 2,496 bouches, dont environ 400 enfants en age de fréquenter l’école. Mais il fallait en joindre beaucoup d’autres dont les parents, sans être assistés, étaient hors d’état de payer les mois d’écolage. Ce nombre, déjà considérable en 1652, s’était encore augmenté en 1688, puisque la paroisse elle-même s’était étendue. Aussi l’école établie par le vénérable de la Salle, rue Princesse, se trouva insuffisante ; et il en fallut ouvrir une seconde, rue du Bac, près du quai d’Orsay, en un lieu appelé la Grenouillère ; elle fut bientôt remplie et aussi florissante que la première.

Aussitôt, les maîtres d’école s’alarmèrent. Toutefois ils n’osèrent pas attaquer M. le curé de Saint-Sulpice, et contester son droit d’établir des écoles de charité sur sa paroisse. Ils ne s’en prirent qu’au vénérable de la Salle et ils prétendirent que celui-ci recevait dans ses écoles des enfants assez riches pour payer leurs leçons et qui, par conséquent, devaient leur appartenir. Se fondant sur cette raison, ils