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et ensuite par les écoles de charité. Cette brèche, le Vénérable devait l’élargir et faire définitivement prévaloir le principe de la liberté ; mais ce ne devait pas être la dernière lutte.

Pendant quelque temps, il passa inaperçu. Le curé de Saint-Sulpice lui avait confié son école ; et comme le différend qui s’était élevé au sujet des écoles de charité touchait à sa fin, qu’en 1690, une première transaction avait déjà suspendu les hostilités, les maîtres d’école ne songèrent point d’abord à inquiéter le nouveau-venu.

Mais ses écoles acquirent promptement une renommée extraordinaire ; les enfants y affluèrent avec une abondance inconnue jusqu’ici dans les petites écoles. Puis les écoles se multiplièrent ; à ce moment, l’attention fut attirée et les hostilités commencèrent pour ne plus cesser, jusqu’à ce que le Vénérable eût quitté Paris. Ce sont ces hostilités que nous entreprenons de raconter d’après des documents inédits, et dont le texte même a été tout à fait inconnu jusqu’ici. Ainsi que nous l’avons exposé, les maîtres des petites écoles formaient une communauté différente des corporations des arts et métiers qui relevaient du prévôt de Paris, tandis que la première ne dépendait que du grand-chantre. Mais la nécessité où était chaque personne qui voulait enseigner d’obtenir des lettres de maîtrise donnait à ceux qui les avaient obtenues un monopole de fait dont ils se montraient fort jaloux. Ces maîtres étaient de pauvres gens, vivant péniblement de leur métier, et par conséquent très-attentifs à ce que rien ne vînt réduire leurs maigres profits. Les mois d’école étaient d’un prix minime, et souvent d’un paiement difficile. Les méthodes d’enseignement alors en usage ne permettaient pas de recevoir beaucoup d’enfants à la fois dans les écoles. On ne connaissait ni l’enseignement simultané, qui ne devait être imaginé qu’à la fin du dix-septième siècle par le vénérable de la Salle, ni l’enseignement mutuel. Les enfants étaient enseignés les uns après les autres. Les classes étaient petites, les écoliers peu nombreux, les écoles fort rapprochées. Les règlements déterminaient rigoureusement la distance qui devait les séparer. Il devait y avoir entre elles environ dix maisons dans les quartiers peuplés, vingt dans les autres. Beaucoup de classes ne comptaient qu’une dizaine d’écoliers. Souvent, pour augmenter ses revenus, la femme dirigeait une école en même temps que son mari. Elle enseignait les filles dans une salle pendant qu’il enseignait les garçons dans une autre. Même doublé, le revenu était mince. C’était donc un petit monde, gêné, besogneux, envieux, voyant de mauvais œil tout ce qui