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AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

« En présence des êtres organisés, on s’aperçoit, disait-il, que le détail des phénomènes, quelque explication plus ou moins suffisante qu’on en donne, n’est ni le tout ni même le principal ; que le principal, et l’on pourrait presque dire le tout, c’est l’ensemble dans l’espace, le progrès dans le temps, et qu’expliquer un être vivant, ce serait montrer la raison de cet ensemble et de ce progrès qui est la vie même. »

À la fin du dernier volume de son Cours, tout en continuant de réprouver « la recherche chimérique des causes essentielles et de la nature intime des phénomènes », Auguste Comte exprimait la pensée que, si l’esprit de détail peut suffire au géomètre, au physicien même et au chimiste, il faut au véritable physiologiste les conceptions d’ensemble. « Même dans la chimie, on voit, disait-il, augmenter notablement l’intime solidarité naturelle propre à l’ensemble du sujet, si insuffisante en physique et même, au fond, en mathématiques. »

« Dans les sciences des choses inorganiques, disait-il encore, on procède par déduction des détails au tout ; dans les sciences des êtres organisés, c’est de l’ensemble que se tire, par déduction, la vraie connaissance des parties. »

De plus, d’accord maintenant avec Platon, Aristote, Leibniz, il déclarait que, l’ensemble étant le résultat et l’expression d’une certaine unité, à laquelle tout concourt et se coordonne et qui est le but où tout marche, c’est dans cette unité, c’est dans le but, c’est dans la fin ou cause finale qu’est le secret de l’organisme.

Le 16 juillet 1843, écrivant à M. Stuart Mill, il exprimait l’opinion que, si ce savant ne le suivait pas dans les voies plus larges où dorénavant il allait marcher, c’est que, très versé dans les études mathématiques et physiques, il n’était pas assez familier avec les phénomènes de la vie. Plus avancé dans la science biologique, M. Mill aurait mieux compris comment il faut, outre le détail des faits, quelque chose qui les domine, qui les combine et les coordonne.