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LA PHILOSOPHIE EN FRANCE

nues, il y ait une autre physique, une autre géométrie, une autre logique. Et dans les régions mêmes que nous connaissons de notre planète, ce que seront demain la physique, la géométrie, la logique, qui peut le dire ? Et qui sait enfin si demain, si tout à l’heure il y aura une science quelle qu’elle soit, s’il y aura deux choses semblables, s’il y aura quelque chose ?

Si les causes théologiques ou scolastiques que le positivisme a écartées étaient effectivement exclusives des idées de lois et de sciences naturelles, bien moins encore, dans l’hypothèse où les phénomènes se suivent sans aucune raison, peut-il être question de lois invariables, d’ordre assuré, de certitude scientifique.

Ainsi, en même temps que les disciples d’Auguste Comte en France tiraient du positivisme, comme sa conséquence le matérialisme, le plus éminent de ses disciples en Angleterre en déduisait, à non moins juste titre, le scepticisme.


IX

Auguste Comte cependant entra peu à peu dans une voie toute différente de celle où M. Littré et M. Stuart Mill s’étaient engagés sur ses traces ; de son positivisme primitif il passa par degrés à une métaphysique et à une religion.

Un des savants les plus considérables parmi ceux qui, en Angleterre, donnèrent leur adhésion aux principes du positivisme, M. Herbert Spencer, en proclamant la grande maxime que « nous ne connaissons rien que de relatif », a fait cependant une réserve importante. L’idée même du relatif, remarque-t-il, ne saurait se comprendre sans celle à laquelle elle est opposée. Et nous concevons, en effet, au delà de toutes les relations de phénomènes, l’absolu : c’est ce quelque chose qui est placé au