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LA PHILOSOPHIE EN FRANCE

plus, M. Caro a joint à la question de la personnalité divine celle de l’immortalité de l’âme humaine.

Dans L’idée de Dieu, M. Caro s’est surtout appliqué à démontrer ce qu’il y a de superficiel, d’erroné et même de contradictoire dans les doctrines, issues du positivisme ou plus ou moins inspirées de ses principes, dont nous avons parlé précédemment, et qui essayent de remplacer par des forces naturelles, plus ou moins voisines de la plus simple matière, le Dieu du spiritualisme. Il n’a point cherché, dans ce livre, à renouveler à fond par ses propres recherches les doctrines qu’il défend. Néanmoins, dans les développements oh l’a entraîné la critique, qui est son objet principal, on peut déjà remarquer des vues qui dépassent l’horizon ordinaire de ces, doctrines. C’est une idée que nous avons rencontrée dans ce que nous avons eu occasion de citer de la savante mathématicienne Sophie Germain, mais que M. Caro a plusieurs fois reproduite avec des traits qui lui sont propres, soit dans ce livre, soit dans un livre plus récent encore sur la philosophie de Goethe, que l’ordre qui nous est montré dans les choses par l’expérience, la raison, avant toute expérience, en possède en elle-même les principes. Là se trouve, remarque-t-il, le fondement de l’induction : « Nous pressentons, nous affirmons à priori, que le cosmos est intelligible, c’est-à-dire que ses phénomènes sont de nature à être ramenés à une unité rationnelle. N’est-ce pas un fait singulier, que celte sorte d’accord préexistant entre notre constitution intellectuelle et la constitution rationnelle du monde, entre noire esprit et la nature ? Et ce sentiment de l’ordre, qu’est-ce autre chose, sous des formes vagues et obscures, que la croyance à une cause intelligente ? »

Si nous avons une conception naturelle de l’ordre, conception qui prouve une croyance naturelle en une cause intelligente qui le comprend et qui lèvent, c’est que l’ordre n’est pas seulement un objet et un but pour l’intelligence, mais qu’il est l’intclli-