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ces à créer des chefs-d’œuvre pour le peuple. C’est de la sorte qu’il entend l’initier progressivement aux divers aspects de la Nature. L’artiste veut donc refaire peu à peu l’esthétique populaire, et c’est au foyer même de la famille qu’il commence cette transformation si désirable.

En collaboration avec son grand ami Hennequin, A. Séon a composé plusieurs séries d’images populaires, qui disent avec la plus élégante simplicité la vie de tout ce qui nous entoure et nous est familier. Point de banalité dans ces délicieux tableautins, mais point de recherche non plus qui dénaturerait la pensée et l’intention du peintre. Simplement destinée à récréer les yeux, en même temps qu’elle suscite la saine réflexion morale, l’œuvre de Séon vient bien à son heure dans ce lent et laborieux travail de régénération sociale, qui marque si étrangement notre époque.

Nous ne pouvons résister au plaisir de transcrire ici une exquise pièce de vers, inspirée au délicat poète Marcel Legrand par l’une des plus suaves compositions de Séon, l’Ondine :

Le passant, qui chemine au crépuscule et longe
La rivière, a cru voir, muette, comme en songe,
Et légère, une forme blanche au ras des flots !
Il s’arrête… Parmi les mourants javelots
Des joncs pressés, jetant une lueur blafarde,
Une ondine, avec ses yeux glauques le regarde !
Le narcisse au cœur d’or couronne ses cheveux :
Et l’homme se rapproche, ému ; mais comme il veut
Toucher la vision charmante, voilà qu’elle
Se confond dans la brume, incertaine, et se mêle
À l’onde, avec un clapotis, et disparaît !
L’homme attend… et la lune argente la forêt.

N’avions-nous pas raison d’affirmer que l’art porte en lui-même la gamme de toutes nos sensations, puisqu’il suffit