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hommes d’État s’abordent, ils parleront des graves intérêts qui, la veille, ont été débattus dans les salons de madame Trois-Étoiles. Deux artistes diront du mal des grandes dames qu’ils connaissent à peine ; deux hommes du monde diront du bien des actrices qu’ils ne connaissent pas ou qu’ils connaissent trop.

Les deux jeunes gens en étaient arrivés à cet instant du repas, où la vanité s’étale avec toute la naïveté d’un instinct, arborant comme un drapeau le moi que l’un prononce devant l’autre qui ne l’écoute pas, impatient qu’il est d’arriver à sa réplique commençant par le même mot.

– Moi, disait donc l’un des jeunes gens, je ne demande aux femmes que d’êtres belles. Si elles le sont, peu m’importe leur caractère, leur position sociale ou leur vertu. Je suis un païen, je ne prends de la femme que ce qu’il en faut prendre, et ne lui demande pas ce qu’elle ne peut donner. Cette opinion qu’il n’y a, en fait d’amour, que du plaisir, est la mienne. J’ai aimé et je crois avoir été aimé ; c’est-à-dire que j’ai désiré beaucoup certaines femmes, et que ces femmes ont sacrifié quelque chose pour moi. Mais est-ce une raison