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TROIS PARMI LES AUTRES

« Et si tu n’as rien de mieux à faire, écris-moi. Je reste à Paris tout l’été. La montagne me fait peur et la campagne m’emm… Quant à la mer, Grâce l’a empoisonnée. Elle est sur la Côte d’Azur avec son mari. Je ne puis supporter l’idée de cet homme en costume de bain, avec du poil aux cuisses, vilain crabe. Grâce, Grâce !

« Allons, je te quitte. La nuit s’avance. L’acacia qui est dans le jardin voisin commence à chuchoter avec ses feuilles des choses que je n’ai pas le droit d’entendre. Gin-angustura-vermouth — un peu d’éther ? Un peu, beaucoup, passionnément. Ne fais pas cette binette, fille raisonnable.

« Bonsoir, mon Athéna, ma chouette. Je t’embrasse — tu permets ? — sur tes belles joues d’ange de pierre. Mes hommages à la super-beauté. Ton Polygone. »

— C’est un maboul, ton Polygone, s’écria Suzon. Quel vocabulaire !

— Mon Polygone est un tendre, réplique Antoinette en repliant la lettre.

Elle prit sa plume et répondit sur-le-champ à Polygone, tandis qu’Annonciade lisait tout haut par-dessus son épaule :

« Mon vieux Polygone, tu vas me faire le plaisir de flanquer toutes tes saletés par la fenêtre : gin-angustura-vermouth-éther et la bachelière avec, si le cœur t’en dit. Pour remplacer le tout, avantageusement, je t’envoie une bouteille de Bourgogne et un home-made cake de la part des Trois Grâces, ainsi nommées par un curé mélomane qui fait le diable dans Faust. Quant à la Grâce des Grâces, que regrettes-tu ? elle te reste. C’est Odette