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TROIS PARMI LES AUTRES

et qui me va de mieux en mieux à mesure qu’il s’encrasse. J’ai assez l’air là dedans d’un vase étrusque. la|Vas deliciarum, dira ma folle amante qui est bachelière et je lui réponds : « Cruche. »

« Il est tard, il fait moite. Je regarde par ma fenêtre les boîtes à lait des cuisines et sur le ciel la nuit de Paris, d’un rose sourd, qui chauffe la lune. Toutes les montagnes de cet astre gelé sont en train de fondre. Il y a de grandes dégoulinades de gélatine sur sa face idiote. Dire qu’en ce moment tu t’extasies peut-être sur les enchantements truqués d’un nocturne à la Werther ! Car on ne m’ôtera pas de la tête que tu es une sentimentale et que tu as mauvais goût comme toutes les femmes. Mais je dois te rendre cette justice que ça ne se voit pas.

« Qu’est-ce que tu peux bien raconter avec tes petites amies ? Ce que je donnerais pour être caché dans un coin, non point, ma chère, sous vos vertugadins, comme fit Henri IV, car vous êtes des filles décentes qui montrez vos genoux et n’avez point besoin de baleines pour garder votre vertu, non point donc sous vos vertugadins, mais sous la chaise de la belle Annonciade, comme un Poucet. Je jure Dieu que je me tiendrais mieux que le bâtard de Tracy dont tu me contes les prouesses et ne mordillerais pas ses mollets, d’une grassouillette minceur andalouse. Comment va-t-elle, la belle Annonciade ? La petite sœur est-elle aussi jolie ? J’imagine entre vous trois je ne sais quel virginal sabbat où l’on met l’homme en pièces, comme aux Mystères de Cérès. Dis-moi, Tony, quand vous êtes réunies, par ces nuits d’été, et que vous parlez de nous, que fais-tu de ton âme