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TROIS PARMI LES AUTRES

par la peau du dos en criant avec une colère qui n’était pas feinte :

— Rigoletto 1 sale bête, veux-tu rester tranquille ! Elle le claqua de toutes ses forces. Rigoletto, le flanc incurvé craintivement, la regardait avec ces yeux émouvants des bêtes et des enfants qui ne comprennent pas pourquoi on les châtie.

Il s’était fait sous la machine un silence inquiet. Suzon rassembla ses chiens et partit d’un long pas souple, le menton levé. Du coin de l’œil elle voyait le regard dont André la suivait, Robert accroupi, lui tournant le dos, et les jambes de toile bleue allongées dans la boue.

Passé le tournant, elle s’arrêta, tendit l’oreille. Un bourdonnement de voix lui parvint. Elle distingua le mot « magnéto », haussa les épaules, reprit sa marche.

— Brutes ! siffla-t-elle à mi-voix, les dents et le gosier serrés.

Après le déjeuner, Suzon fut prise d’une fringale de travail, s’enferma avec ses cahiers dans une chambre du fond qui sentait le moisi pour ne plus entendre le tambourin de la chaleur qui recommençait de vibrer, lointain et proche, sur le jardin lavé.