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TROIS PARMI LES AUTRES

Le chien, le curé. Plus rien d’autre n’existait. Antoinette essaya pendant quelques instants de se représenter qu’on se battait en Chine. Cela lui donna un tel vertige qu’elle rentra vite dans leur univers : le chien, le curé.

— Comment se fait-il qu’il ait le droit de porter la barbe ? Est-ce que l’évêque le lui a permis ?

— En tout cas, ça lui va rudement bien. On ne l’imagine pas sans sa barbe.

— Oh ! non, il ressemblerait à tout le monde. Pour un type, c’est un type.

— Tu sais, quand il a dit à Moïse : Ben, mon vieux colon, tu n’es pas à plaindre. Te voilà entre les mains des Trois Grâces…

Et Suzon imitait l’accent bourguignon de l’abbé Graslin : « Entrrre les mains des Trrrois Grrrâces ».

— Et quand il nous a fait les honneurs de son échauguette !

— Oh ! oui, son échauguette ! Quel numéro !

Ce que l’abbé appelait son échauguette était une salle en surplomb, éclairée par une baie vitrée et dont il avait fait un cabinet de travail-salon de musique.

— Tu as vu ? Il y avait la Bonne Chanson à côté du piano, mais sur le pupitre la partition d’HérodiadeLa Bonne Chanson, c’est à l’usage de la chorale des Vaillantes, probablement…

— Moi, dit Annonciade, il me plaît, ce curé. Tous les curés devraient être comme ça. Ils comprendraient bien mieux la vie.

— Où j’avais envie de me tordre, reprend Suzon, c’est quand il a parlé de ses chiens, de ses saillies et tout le bataclan… Ce que c’était roulant ! Je n’en pouvais plus…