Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

VI

La première journée passa très vite, avec ses heures fraîches, ses heures chaudes, ses chants de coq, ses bruits d’eau.

Les trois amies balayaient, nettoyaient, chassaient des mites. L’odeur de poussière et de plâtre moisi qui rampe comme une larve dans les maisons inhabitées cédait à l’encaustique et aux courants d’air. Un torchon noué autour de la tête, les jeunes filles s’amusaient beaucoup. Cela leur semblait un jeu de reprendre volontairement les vieilles servitudes féminines pour entretenir ce qu’elles appelaient déjà « leur domaine ».

C’était aussi une satisfaction de voir la tête déconfite de la mère Garrottin, aux aguets derrière ses vitres. Antoinette avait trouvé dans le village une femme sourde et un peu idiote qui consentait à faire leur vaisselle. Ce cauchemar écarté, tout devenait plaisant.

Vint l’heure délicate, expressive entre toutes, où le soleil, en disparaissant, laisse voir la clarté du ciel et le relief de la terre, où les plantes recolorées rayonnent d’un intense plaisir de vivre avant leur effacement dans la nuit, où l’air transparent et sonore transporte loin la voix des cloches. Dans les âmes les plus endurcies, l’enfant endormi s’éveille avec une petite fièvre, désir ou