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TROIS PARMI LES AUTRES

« …Antoinette, pourquoi ces larmes ? Pourquoi ce cœur lourd d’humiliation ? N’es-tu donc pas capable, cette nuit, de supporter la vérité ?

« Cette vérité, pourtant, tu ne dois pas la craindre, puisqu’elle demeure à jamais entre toi et moi. Toi et moi, ne sommes-nous pas la même personne ?

« Tu vois. Je t’ai tendu la perche. Tu remontes. Tu respires. Tu te dis que nous sommes, toi et moi, sujets à l’erreur. Ma vérité, qui te garantit qu’elle est vraie ? Et quand elle serait vraie, et irréparable la peine qu’elle te cause, ne te reste-t-il pas un espoir : que tout soit ainsi parce qu’une Volonté qui sait ce qu’elle a fait a voulu qu’il en fût ainsi, et qu’Elle a besoin de tout ce mal pour en faire du bien. Que savons-nous, toi et moi ? Ton vieil ennemi, le point d’interrogation, qu’il te soit cette fois secourable, et dors.

« Allons, dors : Bruno, demain, connaîtra le pourquoi des choses et sa vérité te consolera de la mienne.

« Dors. On n’entend plus le chat-huant ni la petite effraie au sifflet d’apache ; plus rien que ce rire sangloté qui s’élève de minute en minute sous tes fenêtres, mécaniquement. Cette chouette doit se prendre pour une horloge.

« Dors, l’aube approche. Le souffle de la nuit sent la terre arrosée et tu le reçois sur tes paupières, si caressant, si frais… Dors. »

Plusieurs fois, avant l’aube, la lune au ciel achevant son parcours, le chat-huant revint chan-