Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
trois parmi les autres

morte. Annonciade le sait et que, depuis ce temps, la jeune fille n’est jamais retournée dans la maison qu’entretiennent seuls un jardinier et une vieille gardienne.

— Oui, répond Antoinette, dans la maison de maman. Il faut que j’aille voir un peu ce qui se passe là-bas.

— Toute seule ? Ce ne sera pas bien gai.

— Certainement non. Si tu pouvais venir avec moi… Mais tu t’ennuierais : une vieille maison inconfortable au possible, un village perdu dans la plus morne Bourgogne, la réclusion entre nos pruniers et nos salades…

Nos pruniers, nos salades… L’imagination d’Annonciade bondit vers cette échappée verte. Mais que deviendra Suzon pendant ce temps ? Elle est un peu bruyante, un peu backfish encore, cette jeune savante et souvent les nerfs d’Annonciade… Mais comment abandonner sa cadette à l’été parisien gluant de bitume ?

Antoinette poursuit :

— Peut-être qu’à trois… Suzon et nous deux… Alors, oui, ce serait plus gai. Ça pourrait même être charmant. On vivrait sous les arbres. Il y a un grand marronnier qui date peut-être bien de Louis XV… Qu’est-ce que tu dis de cette idée ?

— Je dis que ce serait merveilleux, tout simplement ! Seules, toutes les trois, quelle veine… C’est vrai, les parents, on les aime bien, mais quand on est avec eux, ce ne sont jamais de vraies vacances.

— Alors raconte-moi un peu quelles robes tu vas emporter, pour séduire le marronnier Louis XV ?