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TROIS PARMI LES AUTRES

faire l’aumône d’un semblant d’intérêt. Tout à l’heure, Annonciade va venir et vous oublierez mon existence. Mais c’est bon tout de même, un instant d’illusion. » Puis elle s’aperçoit qu’elle n’a pas répondu. Pourquoi ne peut-on dire tout haut ce que l’on pense ?

— De moi ? fait-elle avec effort. Mais… que voulez-vous que je dise ? Je suis contente, je jouis de ces dernières semaines de vacances, je suis heureuse de vous voir heureux, Annonciade et vous… Voilà…

— Voilà. Et maintenant que vous m’avez donné une réponse bien gentiment conventionnelle, si vous me disiez un peu ce qui se passe là dedans ?

Il touche légèrement du doigt le front d’Antoinette, ce front haut, bombé, qui, lorsque le soir tombe, capte les derniers rayons de lumière. Robert a remarqué cela.

— Que voulez-vous qu’il se passe là dedans ?

— Ce que je veux, c’est que nous causions bien franchement, à cœur ouvert, comme deux amis que nous sommes, je l’espère ?

(Deux amis… non, Robert, l’amitié ne prend pas ce chemin-là et maintenant les ponts sont coupés. Il est trop tard pour revenir. Éloignez-vous…)

— Mais certainement, Robert, pourquoi ne serions-nous pas des amis ?

— Alors, nous devons avoir, vis-à-vis l’un de l’autre, le privilège de la franchise, une franchise absolue ?

(Peut-être, si je ne vous aimais pas. Mais avez-vous jamais rencontré ensemble l’amour et la vérité ?)