Le repos, le silence, peu à peu, détendaient le visage d’Annonciade, effaçaient sous ses yeux, au coin de ses lèvres, les fines égratignures de la fatigue. Elle soupira, s’étira :
— Quoi de neuf ?
— Rien, dit Antoinette. Bonne semaine. Travail. La paix chez soi.
— Ton père ?…
— Olga, toujours — et toujours Deauville. Il a passé bail pour tout l’été.
Annonciade médita un moment sur l’ambiguïté de la phrase. Une idée qu’elle n’osait pas bien exprimer la rendait perplexe. Elle se décida enfin :
— Est-ce que tu crois que c’est de l’amour ?
Une lueur amusée, attendrie, se joue dans les yeux d’Antoinette. Cette Annonciade est impayable. Sa voix s’est altérée en passant sur le mot « amour » : ce petit dièse échappé donne la clef de la barcarolle que le mot « amour » fait chanter dans sa tête, trilles et soupirs, un rossignol invisible, rien que de la musique.
Le couple de Deauville… ah ! ça, c’est une autre musique.
Antoinette revoit la bouche étrangement charnue et fraîche, la bouche de vampire de la maigre Olga, ses yeux luisants de volaille qui guette la pâtée…
— Possible, dit-elle, qu’il l’aime d’amour. C’est un mot, tu sais, dont le sens varie suivant le verbe avec lequel on l’emploie. Toi, tu le rêves, mon père le fait, Olga l’exploite…