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TROIS PARMI LES AUTRES

voir plus long : quel genre d’amour leur inspiraient ces femmes ? Est-ce qu’ils s’attachaient à elles ?

— Le moins possible, dit le jeune homme. Quand on est dominé par une Mousso, on est fichu. C’est le gâtisme à brève échéance. Il faut en prendre et en laisser, les tripoter quand on en a envie, leur taper dessus quand elles deviennent insupportables…

— Oh ! vous les battez ?

— De temps en temps. Il faut. Souvent, à l’heure de la sieste, on appelle la Mousso. Et puis on s’endort — et tout d’un coup, on se réveille en cauchemar : elle s’est endormie à moitié sur vous. C’est effrayant ce que ces femelles vous tiennent chaud ! Alors, d’un coup de poing, v’lan, on l’envoie sur la natte.

— Oh ! Une femme qu’on vient de caresser…

— De caresser ? reprit Bertrand avec une expression amusée dans ses yeux francs. Ce ne sont pas des caresses, c’est la bête qui se contente. Ça ou un coup de poing, vous savez…

Ah ! l’honnête gaffeur !

Au bout d’un moment, percevant qu’il y avait quelque chose d’anormal dans le silence de Suzon, il ajouta, vaguement inquiet :

— Il n’y a aucun rapport entre les femmes noires et les blanches…

— Jusqu’où allons-nous ? demanda la petite.

— Je ne sais pas. Au bout du monde, si vous voulez. La voiture gaze bien…

Elle n’avait pas envie d’aller au bout du monde. Elle avait envie de rentrer, de retrouver la maison silencieuse, le parc où le vent parlait dans les arbres, mais elle n’osa pas le dire, craignant de