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XV


Appuyés à la balustrade de pierre de l’esplanade, ils faisaient corps avec la ville suspendue sur son escarpement, face aux rochers où les bois déferlaient, çà et là crêtés d’écume rousse. Le bas faubourg d’Avallon s’étalait au-dessous d’eux, dans la vallée du Cousin, pareil à un village de Florian, avec ces tons éteints de vieille aquarelle que l’on trouve partout dans les paysages bourguignons sur lesquels la cendre du temps ne cesse de pleuvoir, invisible et muette.

Au bout de cinq minutes Bertrand, qui n’était pas contemplatif, en eut assez.

— Allez, Suzon, une course jusqu’en bas !

Tous deux dévalèrent la rampe avec des cris et des rires.

— Bon, se dit Antoinette, on ne les reverra pas avant une demi-heure. Truc classique. Il faudra que je parle à Bertrand. Avec Suzon, il n’y a rien à faire, elle vous glisse entre les doigts, mais Bertrand comprendra qu’il exagère…

— Enfin, que me conseillez-vous ? demandait André pour la vingtième fois.

Antoinette retint un soupir excédé. Depuis le moment où elle s’était assise à côté de lui dans la voiture, André ne faisait que l’entretenir de cette proposition qu’il avait reçue : un poste chez un