Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
TROIS PARMI LES AUTRES

cœur de fauvette qu’on sent battre dans sa main… Une âme délicate qui a peur de la vie, parce qu’elle se sent faible… Voilà le grand mot : vous avez peur de la vie, mon petit. Il ne faut pas. Il faut la regarder en face.

— Je sais bien. J’essaie… Antoinette me le dit toujours.

— Antoinette ! Antoinette ! Elle ne vous le dit pas comme il faut. Savez-vous ce qu’elle fait, Antoinette, sans s’en douter ? Elle vit à votre place. Mais oui. Et alors, au lieu de vous aguerrir, de vous habituer à agir par vous-même, à juger, à décider, à aimer, — à vivre enfin, nom d’un chien, — vous vous laissez aller à votre inertie. Elle vous affaiblit en croyant vous rendre service, votre amie. Je vous assure.

— C’est peut-être vrai, balbutie Annonciade désemparée. Mais c’est de ma faute.

— Eh bien, il faut changer cela. Et maintenant, vous allez me répondre. Vous ne me connaissez guère, mais enfin je crois que vous pouvez avoir confiance en moi ?

— Oh oui !

— Vous voulez bien me considérer un peu comme votre ami, votre grand ami ?

— Oh oui ! Comme mon grand frère. J’ai toujours regretté de n’avoir pas de frère.

— C’est ça, comme votre grand frère. Eh bien, ma petite Annonciade, à partir d’aujourd’hui, vous allez vous transformer. Vous allez me dénicher votre volonté dans la cachette où elle s’est tapie de peur qu’on la voie et commencer à vous en servir. Et ne pas toujours, à tout propos, avoir recours à Antoinette. L’opinion d’Antoi-