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TROIS PARMI LES AUTRES

— Si, je me le figure. Cela se voit.

Des images qui l’avaient ému se représentèrent à son esprit, rapportant leur atmosphère de trouble et de plaisir. Il regardait en lui-même le délicieux visage, le teint vivant et palpitant comme un cœur visible, avec le flux et le reflux du sang que précipitait la moindre émotion…

— …Mais elle a, naturellement, les défauts de ses qualités : un caractère faible, un peu timoré, — enfin, très féminin. Il lui faut un appui. Avec ça, bien qu’elle ne soit pas bête, oh ! loin de là, Annonciade n’est pas du tout ce qu’on appelle une intellectuelle…

— Heureusement !

Suzon note ce cri du cœur, infléchit un peu plus son discours pour s’y conformer.

— …Tandis qu’Antoinette est une cérébrale de première force.

André, qui écoutait, intervint d’un ton surpris :

— Une cérébrale, Antoinette ? Oh, je ne crois pas. Elle est si vivante.

— Très vivante. Extrêmement vivante. Mais ça n’empêche pas : il faut voir comme elle passe la vie au crible de son intelligence, analysant toutes ses impressions, coupant les cheveux en quatre et même en huit, s’ils y résistent…

André, qui n’était pas capable de contredire longtemps un interlocuteur — surtout quand il avait affaire à une jolie femme — chercha inconsciemment un argument favorable à Suzon qui fût en même temps flatteur pour Antoinette :

— Il est vrai qu’étant petite fille elle réfléchissait déjà beaucoup. Notre gouvernante an-