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TROIS PARMI LES AUTRES

— À vous, jeune Hindoue, souffle Robert-Mowgli. Vous sortez d’une maison, la cruche sur la tête…

(Heureusement que je n’ai rien à dire, pense Annonciade.) Elle serre son voile autour d’elle, arrondit un bras et se met en marche.

— Le soleil se lève, reprend la voix lointaine. Mowgli, Mowgli, regarde vers l’orient !

— C’est ici que le soleil se lève, répond Mowgli sur le ton de l’extase. Je le vois venir dans un nuage d’or et la peine de mon cœur fond sous ses rayons.

Face à la jeune fille, il s’esquive d’un bond de côté quand elle approche, sans la quitter des yeux. Annonciade le regarde une seconde, les lèvres entr’ouvertes, avec une expression de saisissement et presse le pas.

« Qu’elle est gentille ! pense Robert Gilles, amusé. Elle a marché à fond. Délicieuse gamine ! C’est vrai qu’il y a en elle de l’antilope… » et tout haut, passant la main sur son front :

— D’où vient cette apparition merveilleuse ? L’ai-je rêvée ?

Puis, de son ton ordinaire :

— Allons, belle Hindoue, dites un peu vos impressions. N’oubliez pas que vous m’avez pris pour un dieu.

— Je ne raconte jamais mes impressions, répond la belle Hindoue, réfugiée à l’extrémité du village d’herbe.

— Mowgli s’éloigne, psalmodie la voix angoissée de la Jungle. Mowgli s’éloigne de ses frères. Prends garde, Mowgli, prends garde aux mirages. Reviens-