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TROIS PARMI LES AUTRES

l’oiseau, le singe ailé qui chante, l’oiseau grimpeur qui crie, le serpent rugueux comme un tronc, la plante souple comme un serpent, le vent qui souffle dans les feuilles, dans les poils et dans les plumes. Je suis la joie de cet instant, je suis la peur de tout à l’heure, je suis cette douceur qui descend dans le cœur de l’homme, seul au milieu de la clairière. M’entends-tu, Mowgli, petit d’homme ?

Mowgli fait un pas en avant, les yeux fixés sur ses yeux clairs :

— Je t’entends, je te retrouve…

Des voix protestent !

— Ah ! non, pas encore ! Ce n’est pas à toi, mon vieux ! tu la retrouveras tout à l’heure si ça te chante… Fini, la Jungle ?

— Dame ! je ne peux pas parler tout le temps.

— À toi, Mor.

— Puisque vous êtes tant de choses, la Jungle, dit le pauvre Mor éperdu d’angoisse, vous pourriez bien parler pour moi ?

— Ça ne serait pas de jeu. Mais si vous voulez, je ferai les questions et vous les réponses.

— D’où viens-tu, Mor ? As-tu voyagé loin ?

— Très loin.

— Le printemps est-il proche ?

— Tout proche. Il est là.

— As-tu vu les feuilles nouvelles ?

— Oui, j’ai vu les feuilles nouvelles. Elles sont vertes.

— Mor récite son catéchisme, souffle l’abbé-Baioo.

Des rires étouffés s’égrènent.

— Et qu’as-tu vu encore, au delà de la région des arbres ?