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TROIS PARMI LES AUTRES

ron à rampe de fer rouillé, venant à leur rencontre. Et certes, elles étaient charmantes.

Suzon marchait sur des nuées : c’est elle que Bertrand Dornain avait d’abord regardée et un éclair malicieux dans les yeux du jeune homme avait établi entre eux une complicité.

André ne voyait qu’Antoinette, si pareille et pourtant si changée. Robert Gilles les examinait toutes les trois d’un air curieux, amusé, et, comme disent les Anglais, self-controlled. Toutes les trois sentirent en même temps la qualité virile de ce regard-là. Une fanfare allègre sonna dans l’esprit d’Antoinette le branle-bas de combat. L’instant d’après, elle offrait aux arrivants une main cordiale, des yeux limpides, un accueil gentiment brusqué :

— Bonjour, André ; bonjour, Bertrand. Sont-ils grands, ces petits garçons ! Bonjour, monsieur. Vous n’êtes qu’un homme, vous : vous n’avez pas grandi.

Tout le monde éclata de rire, car Robert Gilles était le plus grand des trois. Un sourire adoucit son visage brun aux méplats osseux et volontaires ; le rayon bleu, direct, de ses prunelles se posa sur les prunelles de la jeune fille où se jouait une lueur taquine ? « Voyons un peu, semblait dire ce regard, voyons un peu cette fille qui se moque de moi ? » Antoinette sentit qu’il la distinguait et une bulle chaude monta dans son cœur et s’évanouit.

Annonciade pensait : « En a-t-elle de la veine