Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XII


Les « gens de Frangy » se font attendre. Dans la maison aux pendules muettes, les jeunes filles vont et viennent, prêtes depuis longtemps, en proie à un énervement croissant, fait d’impatience, de mauvaise humeur, de curiosité.

Le sortilège de l’attente s’accroissait du fait que les jeunes gens devaient venir en voiture. À chaque instant, elles croyaient entendre le ronflement d’un moteur. Une batteuse mécanique dont le chant ondulait au loin, tantôt aigu, tantôt grave, les tint plusieurs fois suspendues, l’oreille aux écoutes, le cœur battant au ralenti.

À mesure que le temps s’écoulait, la notion de la personnalité de ceux qu’elles attendaient se dissolvait dans le halo né de leur impatience. Les détails qu’Antoinette avait donnés à ses amies sur les frères Dornain, sur leurs parents, sur l’enfance des deux garçons et leurs jeux de vacances dans le château Louis XIII où l’on trouvait encore des toiles marouflées du dix-septième siècle représentant les épisodes de Don Quichotte, tout cela ne formait plus qu’un amalgame d’impressions luxueuses et romanesques sur lesquelles se détachaient, sombres et cernées d’un trait lumineux, les silhouettes de deux inconnus. Un peu en retrait, une troisième : l’ami des Dornain, ce