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TROIS PARMI LES AUTRES

dans votre métier, ô Créateur ! Vous avez chevillé dans votre créature terrestre le goût des larmes. Vous le savez bien, vous qui sondez les reins et les cœurs, que nous sommes incapables d’imaginer sans épouvante une éternité de joie. Votre paradis, mon Dieu, combien d’âmes n’a-t-il pas découragées ! C’est pourquoi les plus humains d’entre nous ont inventé le purgatoire, avec sa douleur doublée d’espérance. Macérer dans les larmes et contempler au loin, tout nébuleux, le sourire du bonheur… Ah ! on se retrouve chez soi ! pourvu que ça dure… Voilà pourquoi je trouve, Seigneur, que la Terre, c’est de l’ouvrage bien fait.

« Il y a aussi cette question de la Vérité qu’ils réclament tous à cor et à cri et dont ils ne sauraient que faire, si vous la leur donniez. Ils se plaignent que les âmes soient condamnées à marcher dans les ténèbres, seules, toujours seules. Merci à vous, Seigneur, Dieu merci I Supposez que nous connaissions un jour la Vérité, et le Bien son frère : quelle douleur, quand nous lirions dans l’âme des autres — et quand nous lirions dans la nôtre, quelle honte !

« Nous serions tous comme des malfaiteurs surpris par la lampe électrique de l’inspecteur de la Sûreté. Non, non, Seigneur, écartez à jamais le rayon de votre lampe de toutes les partouzes de la planète.

« Vous nous avez envoyé la guerre comme un rapide éclair de vérité qui a illuminé la nuit pendant une seconde. Pendant une seconde, on a vu clairement toute la laideur du monde ramassée sur une ligne enflammée comme un abcès. Ah ! Seigneur, ont-ils assez crié vers vous ! Leurs la-