fleur orange et puis un petit tas noir et gris. Ou bien la pluie survient et la pourrit. Ou bien un paysan passe et la charge à coups de fourche sur sa brouette pour en faire une litière…
— Je me demande, interrompt Suzon avec un peu d’humeur, pourquoi tu veux toujours que tout ait une fin. Moi, j’aime les choses qui ne finissent pas.
— Pauvre de nous, ce n’est pas moi qui l’ai voulu que tout ait une fin.
— Et pourquoi veux-tu aussi que cela finisse mal ? Incendie, pourriture ou litière, en voilà un destin !
— Mon Dieu, pour une meule de paille…
— Mais ce n’est pas une meule ordinaire et ça ne se passe pas du tout comme ça. « Un jour, la meule se retrouve en ordre. Comment cela s’est-il fait ? Peu importe. La voilà immobile dans son champ qui rêve au temps où elle était une meule hantée, grouillant d’une vie multiple, aventureuse… »
— Ignoble, dit Annonciade avec dégoût. Tous ces insectes et ces hommes sales… Comment peut-elle aimer à penser à ça ?
— Ça ne fait rien. L’essentiel, c’est de vivre beaucoup. On embrasse mieux la vie avec mille pattes qu’avec deux. Et puisqu’elle donne l’illusion d’une meule bien sage et qui ne pense à rien… Ronde et benoîte dame-jeanne qui se tient à son rang, dans son champ, attendant la récolte. La récolte ou autre chose… Quoi ? Le coup de folie, le coup de vent, la foudre… Est-ce qu’on sait jamais ? Est-ce qu’on peut savoir ?
~ Suzon aime à se réserver l’avenir, dit Antoi-