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LA MAISON DES BORIES

« Je me demande ce que je pourrais faire qui les rendrait extraordinairement heureux tous et moi extraordinairement malheureuse, mais heureuse au fond d’être malheureuse pour les rendre tous heureux… Et puisque c’est Laurent que j’ai fait punir, c’est lui d’abord que je devrais rendre heureux — et d’ailleurs quand il sera heureux tout le monde le sera, puisqu’il n’y a que Laurent qui nous empêche tous d’être toujours heureux, à cause de ce qu’il y a entre lui et l’oncle Amédée. Alors, si j’allais dire à l’oncle Amédée de me punir toujours à la place de Laurent et de me battre tant qu’il voudra à la place de Laurent, peut-être que tout le monde serait heureux et que moi j’arriverais à oublier cette nuit où je l’ai fait punir…

« Mais je me demande si l’oncle Amédée voudra et si ça lui fera la même chose que ce soit moi au lieu de Laurent. Je crois bien plutôt qu’il ne voudra pas et alors qu’est-ce que je peux faire, car il faut absolument que je fasse quelque chose ? Quelque chose de grand, quelque chose d’énorme, quelque chose d’incroyable et qui fasse que tout aille bien ?

« Peut-être que si je pouvais donner à l’oncle Amédée de la graine de pavot pour le faire dormir toute la journée et toute la nuit, ça irait bien. Mais il finirait bien par s’en apercevoir et ça n’irait plus. Et si je lui en donnais trop, ça le ferait mourir et j’aurais commis un crime. Mais peut-être que c’est ça justement que je devrais faire, pour m’apprendre à l’avoir fait punir, parce qu’on me mettrait en prison et on me couperait la tête, et ça ne serait pas trop. Et eux seraient bien tranquilles et heureux pendant ce temps-là. Seulement, tout de même, je ne sais pas si c’est bien ça que je devrais faire, parce qu’Isabelle dit toujours qu’il faut faire attention aux idées qui vous viennent et qu’elles ne sont pas toujours bonnes et qu’il faut les regarder avec elle, comme quand