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LA MAISON DES BORIES

Laurent, mais en réalité quelque chose de beaucoup plus intime, de beaucoup plus proche d’eux : la troisième du trio Carabi, le troisième enfant de Belle-Jolie, bien que Belle-Jolie n’eût que deux enfants et qu’elle fût aux yeux du monde la tante d’Anne-Marie Comtat.

Il y avait donc la maison des Bories, où tout le monde vivait.

Et il y avait la maison du champ de seigle, ignorée de tout le monde, — oui, même d’Isabelle. Il y avait aussi le four à pain du fermier, ou la resserre du foin au-dessus de la remise, ou l’abri que formaient deux roches accolées, à demi masqué par un genévrier, à la lisière du bois de sapins. Mais c’était là ce que Laurent appelait ses « terriers » d’où on la débusquait assez facilement, tandis que personne n’avait jamais découvert le secret de la maison du champ de seigle.

Elle déplaça vers la droite un caillou du carré : ainsi la porte était ouverte. Sa main brune se faufila vivement par l’ouverture et elle remit le caillou en place. La porte était fermée. Elle était dans sa maison.

Le sentiment de sécurité, de joie qu’elle en ressentit étouffa presque complètement la préoccupation qui l’avait fait se réfugier chez elle. Elle fut un moment sans penser à rien, écoutant le vent qui brassait les seigles au-dessus de sa tête, suivant de l’œil les insectes qui couraient sur les gerçures de la terre et qui se blottissaient sous leur carapace quand elle leur soufflait dessus. Elle aussi avait sa carapace, mais elle s’y blottissait toujours un peu trop tard, lorsqu’elle se sentait atteinte. Alors le sang fuyait ses membres, se réfugiait au plus profond du corps, et dans sa tête aussi, c’était une débandade sous la carapace d’indifférence. Tout le monde à l’intérieur, vers ce qu’il y a de plus secret, de mieux caché — et fermez bien toutes les issues ! — mais