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LA MAISON DES BORIES

était venu, depuis Laurent… Mais non, elle lui offrait un visage candide et sérieux, presque le visage de la jeune fille qu’il avait épousée dix ans plus tôt. Cependant, ce visage s’était aminci, comme creusé au burin. L’arcade de la joue tendait la peau fine et on pouvait voir maintenant combien la ligne du profil était nette et volontaire. Non, ce n’était plus la même, hélas !

Il soupira, fit le geste de chasser une mouche invisible et suivit sa femme dans l’escalier.

Elle descendait devant lui, moulée dans une simple robe de linon bleu-lin qui dégageait la naissance de la nuque. Une mèche courte échappée à son chignon bouclait légèrement sur cette nuque élancée, pareille à une jacinthe blanche. Amédée perdit à nouveau le fil de ses pensées, parce que cette boucle, cette nuque, ce dos vêtu de linon bleu-lin qui s’amincissait vers la taille, strictement serrée dans une ceinture de faille bleu sombre, réveillaient au fond de son cœur, dans les canaux de son sang, la trace langoureuse et corrosive, qu’y avait laissée, tout à l’heure, l’image d’Isabelle convulsée d’inquiétude et de Laurent giflé.