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LA MAISON DES BORIES

inventée un soir, tandis qu’à la même heure, peut-être, sur les boulevards parisiens, à trois cents kilomètres à vol d’oiseau de la maison des Bories, un camelot obéissant aux mêmes raisons mystérieuses lançait : « En voulez-vous des z’homards ? Ah ! la sale bête, il a du poil aux pattes ! »

Marie-Louise parut à la porte de la cuisine, ronde comme une brioche, avec le même air avenant et bien cuit. Elle relevait son tablier empli de grain.

Laurent se campa sur ses mollets nus et chanta sa mélopée du soir, pour appeler la basse-cour :

Colonel
Colonel
Péronnelle
Péronnelle
La Cendrée
La Cendrée,
Venez, venez, venez,…

Ils arrivaient tous, ventre à terre, le Colonel en tête, un petit coq gris moucheté de blanc, l’œil monoclé de rouge, la jambe sèche, — nerveux, galantin, autoritaire. Laurent le tenait en grande estime pour la manière dont il menait les poules — surtout cette grosse goulue de fainéante de Péronnelle, La Dorking au col pékiné noir et blanc, rusée, avide, qui n’avait pas sa pareille pour chiper les tartines au vol. La Cendrée au plumage gris était fine et douce, mi air d’éternelle jeune fille. Laurent la prenait sur son bras, penchait la tête en fermant les yeux et la Cendrée s’endormait pour de bon. Les autres poules n’avaient pas de nom, c’était de simples volailles.

Chientou s’excitait fort devant toutes ces plumes. Ce braque qui refusait de chasser et prenait le large quand M. Durras décrochait son fusil retrouvait le sang de ses ancêtres devant un poulailler. Lise le lança pour rire sur les pintades qui s’envolèrent sur le toit :