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LA MAISON DES BORIES

Enfin on le tenait, ce problème. Laurent posa fébrilement la dernière opération, se trompa quatre fois, se barbouilla d’encre jusqu’aux phalanges et put enfin crier : « Chic ! Ah ! le cochon, il nous en a fait voir ! »

Lise lui sauta au cou : « Ah ! mon z’animal, t’es un fameux z’animal ! » Il la secouait, mais elle était douée d’une plasticité peu commune et s’accrochait souplement, comme le chèvrefeuille.

— Poisse ! grognait Laurent empêtré de bras, de jambes, de cheveux. Seccotine ! Pou de bois !

Mais il retroussait la narine droite, mais Lise riait aux éclats, mais le Corbiau souriait de sa petite bouche ferme et ronde posée sur son visage comme un sceau, mais le regard d’Isabelle s’était éclairé et il y avait dans l’air une joie hors de proportion avec cette histoire de problème.



Ces fins d’après-midi d’été rendaient les enfants ivres, fous. Ils se couraient après en poussant des cris aigus, s’arrêtaient pour humer l’air qui se chargeait d’odeurs, repartaient… Chientou leur sautait au menton, des quatre pattes. Lise entonnait d’une voix de tête, en imitant l’accent nasillard et traînant d’une écolière qui ânonne sa leçon :

— Un — co-chon — lai-teux — est — un — co-chon — tout — frais — pon-du — Un — co-chon — lai-teux est un co-chon — tout — frais — pon-du — un co-chon…

Et les deux autres à pleine voix, comme un hymne :

Cochon laiteux,
Cochon crémeux,
Cochon tout frais pondu.

Mais bientôt le fou rire les étranglait tous les trois. C’était l’effet infaillible de cette « scie » qu’ils avaient